Interview de Laurent Siguret, un harmoniciste blues qui a inclus les overblows dans son jeu
Planet Harmonica: La première chose qui saute aux oreilles quand on écoute votre album, c’est ce son blues rugueux, surprenant chez des français. Pouvez-vous nous parler de la genèse du groupe et de vos influences?
Laurent Siguret: Le groupe s’est formé en 2009 avec Thomas et Julien, qui sont restés en duo jusqu’en 2013. Ils ont fait 2 albums. Je les ai alors rejoints et nous avons sorti 3 disques depuis, avec le label Freemount Records.
Nous avons chacun nos univers musicaux, et nous nous retrouvons autour des Creedence, Howlin Wolf…
Chacun de vos album est fortement lié au lieu de l’enregistrement. Pouvez-vous nous en dire plus?
Depuis le départ, l’idée est d’enregistrer chaque disque dans un lieu différent.
On se pose 3 ou 4 jours ensemble. L’idée est de passer un bon moment et de capter l’ambiance.
Comment se passe la création de vos chansons?
Souvent Julien amène une idée, un thème et on essaie de le développer, à chaque fois à la manière d’un bœuf.
On répète au studio After You My Friend, tenu par Julien, ce qui nous permet d’être dans de supers conditions de jeu.
Comment se déroulent vos sessions d’enregistrement? Est-ce que vous enregistrez “live” avec éventuellement quelques retakes, ou est-ce que vous enregistrez les instruments séparément? Quelles sont vos interactions dans le trio?
Au fil des albums, on a évolué vers le tout live. Sur les précédents, on faisait au moins batterie harmo guitare ensemble, puis les voix et autres.
Sur le dernier disque, on a opté pour une prise de son mono, un seul micro pour tout reprendre, même la voix. Une expérience qui demande à chacun d’être vraiment à l’écoute des autres.
Une prise en mono? Etonnant! Cela ne laisse pas trop la place aux erreurs!
En effet! Et il y a d’ailleurs quelques petites choses que j’aurais aimé pouvoir reprendre. Mais c’est la régle de jeu et nous voulions vraiment nous mettre dans des conditions de live.
Un focus sur toi, Laurent! Nous avons pu apprécier la qualité de ton jeu dans ce contexte de trio blues. Tes interventions semblent très pensées pour prendre la place qu’il faut et apporter à chaque morceau, sans surjouer ni encombrer l’espace sonore. Peux-tu nous en dire plus?
Dès le début, j’ai essayé de servir la musique de Julien et Thomas. Nous nous écoutons beaucoup lors de la construction des morceaux. On essaie des trucs, je joue beaucoup. J’ai été tout particulièrement attentif, pour cet album, à retirer tout ce qui ne semblait pas nécessaire. Ce n’est pas un album d’harmonica, c’est la musique d’un groupe. Je trouve que la place de l’harmonica dans certains morceaux de muddy Waters illustre ce que j’ai envie de faire passer.
Comment conçois-tu tes solos? Utilises-tu des gammes pentatoniques et/ou blues? Utilise-tu des overblows dans ton jeu?
Mes solos ont, je pense, évolué avec le temps et les stages donnés par Jérôme Peyrelevade et Sébastien Charlier. Je joue essentiellement en Mi b sur un harmonica en La b, et je change d’harmo si le groupe change de tonalité, ce qui me permet de garder la même photographie de jeu.
Ainsi si on prend comme repère un harmonica en Do (pour un morceau en Sol), j’utilisais au début comme colonne vertébrale de mes solos la penta de Sol Majeure à laquelle j’ajoutais régulièrement la note Ré b (la quinte bémol). J’ai ensuite commencé à introduire les overnotes et parallèlement travaillé la penta de Si b Majeure, la gamme blues de Mi et j’ai pu placer aussi la gamme de Sol mineur mélodique. Désormais, j’utilise dans mon jeu blues, les overblows du 5, du 6 et les overdraws du 7 et du 10. Dans mes solos, je mélange les gammes en fonction des accords qu’apporte Julien. Je peux aussi ajouter d’autres notes en fonction de ce dont j’ai besoin.
Tu es le gagnant du Challenge de la Marche d’Aincourt, un morceau assez éloigné de l’univers des Marshals! Quel est le spectre en termes de styles de ton univers musical?
J’écoute énormément de musique, mais de moins en moins d’harmonica. J’apprécie toujours beaucoup le blues, mais ces dernières années, je me suis plus particulièrement tourné vers le jazz. Ensuite, j’aime aussi certains types, plutôt actuels de bluegrass, ou dernièrement la musique argentine.
Quels sont les harmonicistes qui t’ont influencé?
Lorsque j’ai commencé l’harmonica, ma seule référence était Diabolo que j’avais vu dans une émission de Jacques Martin et ensuite entendu accompagner Jacques Higelin. Lorsque j’ai commencé à jouer, je ne connaissais personne et n’avais pas les moyens d’acheter des disques. De plus, le blues était très éloigné de ce que j’écoutais à l’époque. Je jouais donc des morceaux de variété. Puis j’ai un jour rencontré un harmoniciste qui m’a conseillé, en entendant ce que je produisais, d’acheter la «méthode à Mimil”. Merci Mr Milteau de m’avoir fait entrevoir ce que l’on peut faire avec un harmonica! Il m’a donc grandement influencé. Maintenant, j’aime beaucoup le jeu flamboyant de Jason Ricci, la précision de Vincent Bucher, la poésie du jeu de Michel Herblin et, désolé de les nommer une nouvelle fois mais je suis toujours époustouflé en écoutant Sébastien Charlier et la polyvalence du jeu de Jérôme Peyrelevade.