Il y plus de 15 ans de cela, lorsque Planet Harmonica est né, le monde était bien différent. Pour les fanatiques d’harmonica comme moi, il n’était pas si simple de trouver des conseils pour jouer, de découvrir de nouveaux artistes, d’entendre parler de matériel spécialisé fabriqué par des passionnés dans leurs garages aux US.
La mission de Planet Harmonica telle que je me l’étais définie était de constituer un pont entre le microcosme francophone où plein de choses excitantes se passaient (vous souvenez vous du premier concert d’Eric Chafer aux Harmonicales de Condat ? Bien des mâchoires se sont décrochées ce soir là…) et le monde de l’harmonica anglophone où de nombreux artistes encore inconnus en France révolutionnaient le blues (le regretté Paul deLay) ou tout simplement le diatonique (Howard Levy, je lorgne de ton côté).
Le fait que le magazine soit bilingue permettait d’établir cette passerelle et d’exposer les francophones au bouillonnement créatif Anglais et Américain, mais aussi de montrer aux Américains qu’ils n’étaient pas seuls au monde. Aujourd’hui, tout est devenu plus facile: pour qui veut apprendre, il y a des centaines de tutoriaux de qualité exceptionnelle sur Youtube, en Français comme en Anglais. Les artistes des quatre coins du monde jouissent d’une exposition inégalée comparé à ces premières années d’Internet.
C’est en partie cette diversité de contenus qui m’avait fait lâcher l’aventure Planet Harmonica en 2004, même si le fait d’avoir deux enfants en bas âge à la maison n’y était pas pour rien. Avec le recul, il y avait peut-être autre chose aussi: j’ai toujours aimé la musique, et au fil de mes découvertes, l’harmonica est devenu secondaire. Pour le dire autrement, plus je creusais mes découvertes musicales, moins j’appréciais l’harmonica pour l’harmonica. Il y avait toujours un frisson particulier lorsqu’une bonne découverte musicale se combinait avec un grand harmoniciste, mais je ne cherchais plus particulièrement l’harmonica, simplement la bonne musique.
Aujourd’hui, Planet Harmonica renaît de ses cendres. Il n’y a pas meilleur rédacteur en chef que Laurent pour cette renaissance: sa passion et son énergie sont restés intacts. De débutant excité il est devenu un harmoniciste de talent, certes amateur mais toujours animé d’une passion qui chez moi s’est un peu assagie. Faut-il pour autant relancer une passerelle entre les mondes francophones et anglophones? De manière surprenante je pense que oui. En quelques années seulement, on est passé d’une pénurie d’information à une pléthore, et là où on ne savait pas il y a quinze ans qu’une ressource existait, il y en a tellement aujourd’hui que distinguer le bon grain de l’ivraie est tout aussi ardu.
Je vois ce nouveau Planet Harmonica comme une manière d’apporter du discernement, des deux côtés de la Manche et de l’Atlantique. Pointer du doigts les artistes qui sortent vraiment du lot, les meilleurs tutoriels, les instruments qui font vraiment une différence. Quant à moi, je ne serais plus que contributeur, et ce rôle me convient très bien. Quand mon temps me le permettra, quand la passion pour tel ou tel artiste resurgira, je partagerais modestement avec vous ces trouvailles. Il y a dans la montagne harmoniciste ultra-connectée des filons encore peu exploités, des richesses insoupçonnées, des mines abandonnées aussi qu’il sera bon de redécouvrir. J’ai donc enfilé mon casque et pris en main ma pioche diatonique (ma pelle chromatique est dans le chariot de mine). Je suis content et excité de faire partie de cette nouvelle équipe et j’espère vous croiser au détour d’une galerie!
Benoit Felten