Cela faisait un certain temps déjà
que ceux qui avaient eu la chance découter Just Your Fool, le premier album solo de
Carlos del Junco en espéraient un nouveau. Personnellement, si jappréciais le live
sus-nommé, je me sentais un peu frustré par le choix du répertoire, trop typé à mon
goût, et jattendais donc avec impatience quelque chose de plus ouvert musicalement.
Je ne suis pas déçu :
Carlos na pas vraiment grand chose à prouver techniquement :
il a intégré les techniques les plus avancées de jeu (overblow, octaves altérées,
contrepoint, etc.) avec la bénédiction dHoward Levy. Mais là ou Levy
soriente vers un world jazz parfois intellectuel et difficile dapproche, del
Junco se concentre plutôt sur des styles de musiques populaires dont le blues bien sûr,
mais pas seulement. La grande réussite de cet album a mon sens cest davoir su
intégrer lharmonica dans des styles où il est peu voire pas représenté : le
ska, la soul, et des mélanges hybrides plus dur à catégoriser. Le blues nest pas
absent du disque tout de même, mais ceux qui connaissent le jeu de Carlos savent que son
style est tout sauf classique. Le New Orleanais Junco Partner est une belle
réussite. Notons aussi un clin dil à Sugar Blue avec une reprise de sa
version solo de "Another Man Done Gone" qui se finit en imitation de train. Quel
souffle !
Le seul passage du disque en territoire jazz est le Jitterbug Waltz de
Fats Waller, qui permet à Carlos de briller en son acoustique. Lorchestration est
sobre et le morceau vraiment très joli. Carlos finit sur un passage seul où il joue de
laccordéon musette à lharmonica de manière tout à fait
stupéfiante.
Un autre point fort de cet enregistrement cest la bonne humeur qui
ressort sur tous les morceaux. On sent que Carlos et ses musiciens se sont éclatés et
ça fait plaisir. Signalons Heddon Tadpolly Spook décrit dans la jaquette
comme un ska déjanté hybride instrumental-BO de Fellini ?. Le morceau
est très fun, éminemment écoutable, ce qui cache tout de même une impressionante
maîtrise technique.
Si javais une seule réserve à émettre vis à vis de Big
Boy, cest le fait quà certains moments (heureusement rares) la
technique de Carlos prend le pas sur la musicalité et il passe en mode
démonstratif ce qui doit être très impressionant en live mais passe moi
bien en album. Sur Heavens where youll dwell, le morceau qui ouvre
lalbum, Carlos joue un break accompagné de la batterie uniquement en jouant
quelques mesures dans chacune des douze clefs sur (évidemment) un même et seul
diatonique. Très impressionant mais pas très musical...
Cela dit cest une critique bien mineure pour un album que
jaime beaucoup et que je ne peux que vous recommander si vous avez envie
dentendre ce quun des harmonicistes les plus novateurs fait de son diatonique.