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Critiques

Collard Greens & Gravy

Collard Greens & Gravy - Collard Greens & Gravy

Collard Greens & Gravy est un trio : Ian Collard chante et joue de l'harmonica (essentiellement diatonique), James Bridges est à la guitare (et à la slide) et Anthony Shortte à la batterie et aux percus.

Ce qui me frappe le plus dans cet album c'est qu'il en émane, à l'inverse de nombreux albums (de blues ou autre), une ambiance extraordinaire, une atmosphère qui habite l'ensemble du disque. En d'autres termes, il est difficile d'écouter cet album de manière analytique. C'est un album très sombre, qui vous hante, il danse à la limite du gouffre, et n'est pas si éloigné que ça des morceaux les plus sinistres de Robert Johnson, même s'il utilise des outils différents.

C'est le résultat d'un répertoire inhabituel et d'arrangements tout aussi décalés, ainsi que d'une implication évidente des ingénieurs du son pour obtenir cette atmosphère particulière. Il y a beaucoup de silence, des notes qu'on laisse mourir plutôt que de les étouffer par la note suivante, un peu de réverbe, une batterie clairsemée et une guitare qui ne joue que quand il le faut. Les disques auxquels je pense qui se rapprochent le plus en matière d'atmosphère de celui-ci seraient ceux de groupes de Low-Rock comme Morphine ou son ancêtre Treat Her Right (où l'on entendait l'harmo lourd de Jim Fitting). Je ne sais pas si le terme de 'Low-Blues' a déjà été utilisé, mais sinon, Ian et ses collègues on peut-être bien inventé un nouveau genre...

Le jeu d'Ian est mature et bien maîtrisé, présentant à la fois rapidité et puissance si nécessaire, et une sombre retenue sur les morceaux plus mélancoliques. Par moments, il me rappelle Steve Guyger sur "Past Life", bien qu'il soit moins 'traditionnel'. Ian utilise les overblows (surtout la tierce mineure sur le trou 6) de manière efficace bien qu'ils ne soient pas toujours très justes. Je me suis demandé si c'était délibéré ou non, car cela créée un effet déstabilisant qui est en fait assez plaisant.

En terme de répertoire les quelques reprises proposées, mis à part St James Infirmary, sont plutôt d'obscures compositions d'avant-guerre. A moins de vous être déjà plongé dans les enregistrements de cette époque, il serait étonnant que vous les reconnaissiez. Les reprises, ainsi que les titres originaux sont joués avec le filtre du style de Collard Greens and Gravy et donc largement réinterprétés et superbement arrangés. Il est assez curieux d'entendre comme la guitare de James peut sonner grave en l'absence de basse. Le jeu de batterie d'Anthony, quant à lui, évoque un sentiment assez primitif, comme sur le solo positivement tribal de "Out in the desert".

Ce CD offre des moments grandioses, celui que je préfère étant l'interprétation de "Get right church", très sinistre, et qui nous offre un long et inquiétant solo d'harmonica amplifié sans accompagnement. "Out in the desert" est aussi un excellent morceau, ainsi que le plus funéraire "Sick bed blues", sur lequel Ian chante en falsetto accompagné par son chromatique.

Au final, Collard Greens and Gravy est indubitablement un des albums les plus surprenants, originaux et agréables que j'ai écouté depuis longtemps. Il ne sera pas à tout les goûts, son côté sombre n'ayant rien à voir avec le genre de blues qui vous colle un sourire joyeux sur le visage. Il est bien plus expressif et chargé de sens que beaucoup d'albums sortis récemment. Je recommande aux fans de blues d'aller faire un tour sur leur site, d'écouter les mp3s et d'acheter l'album s'il leur plaît. Ce qui ne m'étonnerait pas !

Benoît Felten


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