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Mojo Band - File Under Blues
Dans une scène blues française où
la mode est à la reprise de T-Bone Waller à fond
les ballons, il est rafraîchissant de pouvoir entendre
un disque qui nous rappelle que le blues ne trouve pas sa naissance
dans les amplis et que les grands artistes auxquels font référence
la plupart des interprètes d'aujourd'hui ne manquaient
pas forcément de finesse.
Le Mojo Band, à ce titre, nous propose
avec leur premier opus " File Under Blues " une galette
de toute beauté, une musique qui respire, une instrumentation
intéressante, où la beauté du son compte
autant que la sincérité de l'interprétation.
Le Mojo Band, pour ceux qui ne le connaissent pas, est un groupe
originaire du Nord de la France et constitué de Julien
Biget, au chant et guitares, de Xavier Laune à l'harmonica,
de Stéphane Barral à la contrebasse et de Charles
Duytschaever à la batterie. Ces quatre là partagent
une complicité évidente et un amour de la musique
qu'ils font vivre pour nous.
" File Under Blues " est constitué
exclusivement de reprises, la plupart de bluesmen d'avant-guerre,
quelques unes seulement faisant partie de ce qu'on pourrait
appeler les " standards ". Mais je mets quiconque
au défi de ne pas trouver une patte personnelle, une
interprétation propre, à ces reprises. Le Mojo
Band s'est approprié ces morceaux au même titre
que les grands jazzmen s'approprient les compositions d'autrui.
Ils les ont réécrits, réarrangés,
en ont fait quelque chose de neuf et frais, bien au-delà
des reprises " à l'identique " où "
à la manière de " qu'on entend trop souvent
dans la production blues actuelle.
Un exemple, le " Good Morning Little Schoolgirl
" de John Lee 'Sonny Boy' Williamson, ici intitulé
" Hello Little Schoolgirl ". Les éléments
de référence du morceau sont là, la mélodie,
le riff d'harmo, mais le feeling est radicalement différent,
pas urbain et sophistiqué mais plutôt " laid
back " et swamp.
Au delà de la réécriture
qui donne tout son intérêt à ces reprises,
c'est plus généralement le son du Mojo Band qui
séduit. Les arrangements respirent, laissant largement
entendre la texture chaude de la contrebasse, la subtilité
des balais, le " twang " de la slide ou la finesse
d'un accord de soutien, et, bien sûr, la rauque chaleur
de l'harmo, souvent amplifié. Le tout au service de la
chaude voix de baryton de Julien. Un pur régal. Au passage,
pour ceux qui n'ont pas vu le groupe en live, il ne s'agit pas
ici de la fameuse " magie du studio ". C'est vraiment
leur son, sur scène comme sur disque.
Quid du répertoire ? Une combinaison de
morceaux entraînants (Built for Comfort, Got love if you
want it) et de pièces plus mélancoliques (Hesitation
Blues, Parchman Farm) avec d'occasionels détours par
le country blues de Leadbelly (Goodnight Irene, When I was a
Cowboy) constituent un ensemble cohérent et varié.
Là encore, c'est du sans faute.
Avec tout ces compliments, vous allez me dire,
peut-on lui trouver des défauts, à ce disque ?
Allez, pour la fine bouche, j'en vois deux. Le premier, c'est
que Julien, s'il a un bon accent anglais dans l'ensemble, glisse
quelquefois sur des mots mal prononcés qui choquent quelque
peu l'anglophone. On est loin du gloubiboulga de certaines formations
qui feraient mieux de migrer vers la langue de Voltaire, mais
c'est un léger point d'amélioration possible.
Le second défaut est plus patant : l'album est bien trop
court ! A environ 40 minutes, on reste sur sa faim lorsque meurent
les dernières notes de " Goodnight Irene ".
Vous me direz, mieux vaut un goût de trop peu qu'un machin
qui traîne en longueur
Alors, Mojo Band, quand est-ce
que vous remettez-ça ?
Benoît Felten |