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Critiques

Lee Sankey

The Lee Sankey Group - Tell Me There's a Sun

En 2000, la sortie du premier album de Lee Sankey " My Day is Just Beginning " avait fait l'effet d'une petite bombe au Royaume-Uni, finissant l'année à l'enviable position d'album de blues le plus vendu du pays. Malheureusement, la notoriété de Lee avait assez peu débordé des frontières anglaises. Les afficionados attendaient donc avec impatience ce second album d'un auteur-compositeur-guitariste-harmoniciste qui veut décloisonner le blues.

L'objet, tout d'abord, est superbe. Coffret cartonné incluant le CD dans un digipack et un livret d'une quarantaine de pages contenant textes et photos, le tout dans un design original et esthétiquement irréprochable. Ca prédispose favorablement.

Mais la vraie surprise est à l'intérieur. Dès les premières notes de l'éponyme " Tell Me There's a Sun " qui ouvre le disque, on sent un groupe solide, une écriture originale et une production impeccable, combinaison de facteurs que l'on trouve malheureusement peu souvent sur la scène blues. Alors la question se pose : est-ce du blues ? Je réserve ma réponse pour l'instant !

Le disque commence sur trois morceaux assez énergiques, et dans lesquels les amateurs de blues n'auront sans doute aucun mal à se retrouver. Les textes de Lee Sankey sont modernes et souvent introspectifs, les arrangements de cuivre, tantôt subtils, tantôt dynamiques, soutiennent superbement l'ensemble, et quelques (rares) touches d'harmonica agrémentent le tout.

Le quatrième morceau, " Heading into town ", est une ballade plus soul que blues mais dont l'arrangement n'est heureusement pas mielleux. Ca a plus à voir avec du bon Otis Redding qu'avec du mauvais Robert Cray, en d'autres termes... Suit un autre morceau lent plus bluesy, assez lancinant, intitulé " He Doesn't Live Like the Others ", bien représentatif à mon sens des textes de Lee Sankey. On pourrait décrire ça comme un réflexion sur la solitude moderne. En tous cas, c'est superbe, et admirablement orné de la slide acoustique de Chris Whitley, blues-rocker alternatif texan invité pour la circonstance.

L'album reprend ensuite le domaine de l'énergique avec " Doing what I Should Have Done ", un morceau R&B de grande facture, aux cuivres très présents et dynamiques, suivi de " The High Points ", un morceau funky à m'intro très cuivrée jazz. L'atmosphère devient plus feutrée sur le morceau suivant, " Frank's Brother ", au texte assez inhabituel puisqu'il s'agit d'une " réponse " à une chanson de Tom Waits intitulée " Frank's Wild Years ". N'ayant pas le plaisir de connaître l'original, j'ai un peu l'impression de rater quelque chose à l'écoute, mais c'est plaisant de toute manière.

Les trois derniers morceaux, reviennent dans un territoire plus franchement blues. Ca commence par " The Unchosen ", un lancinant et sombre morceau soutenu par une contrebasse profonde et encore une fois la slide de Chris Whitley, et sur lequel Lee consent à nous resservir un beau solo d'harmo. Mais c'est sur " Monkey Lips " qu'il montre qu'il n'a rien perdu de sa verve au dix-trous, un de ces instrumentaux d'harmo qui laissent l'auditeur essoufflé, dans la grande veine du Kim Wilson des débuts (auquel le morceau est d'ailleurs dédié).

L'album se termine sur " Sometimes ", épique composition de 8 minutes qui me semble une excellent synthèse du disque : sonorités blues, groove funky, cuivres jazzy, texte moderne, et une construction originale qui laisse sa place à chacun de ces éléments. C'est d'ailleurs là que les fans de longs solos de guitare trouveront leur bonheur. Je suis plutôt de ceux qui trouvent que les guitaristes de blues ont beaucoup à apprendre du silence, mais lorsque sur un album construit comme celui-ci on laisse sa place au soliste pour construire un seul long solo, on est rarement déçu ! James Henderson, jeune six-cordiste très prometteur montre ici tout son talent, de la finesse à la puissance.

Alors finalement, est-ce du blues ? Est-ce vraiment l'essentiel ? Il y a un feeling blues évident sur " Tell Me There's a Sun ", et une unité de son qui manquait peut-être à " My day is just beginning " Tous les morceaux ou presque puisent à une source bleue, même si leur facture est toujours suffisamment originale pour éviter les clichés du douze mesures. L'exceptionnel talent vocal d'Ian Siegal, le chanteur du Lee Sankey Group est d'ailleurs un fort ancrage dans ce territoire blues, sa voix oscillant entre la puissance rauque d'un Howling Wolf et l'exubérance d'un Joe Cocker de la grande époque.

Depuis la sortie du disque, le Lee Sankey Group a été très sollicité en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas. Souhaitons que les programmateurs Français ne passent pas à côté de cette formation exceptionnelle qui propose avant tout une musique qui vient du cœur, et me paraît susceptible, à l'heure ou les grands festivals de blues sont fortement critiqués pour s'éloigner de la tradition, de satisfaire à la fois les amateurs de blues pur et dur et les fans d'une certaine ouverture. Pour les avoir vus en concert au Festival d'Harmo 2002 de Condat sur Vienne, je peux en tous cas vous dire que le Lee Sankey Group est aussi passionnant sur scène que sur disque !


Benoît Felten


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