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Cadi Jo - Vagabond Blues
Le dernier CD de Cadi Jo explore les franges jazzy
du blues, voire s'aventure en territoire manouche. Le package
promotionnel annonce la couleur sans modestie : "le son
chaud de l'harmonica remplace avantageusement le violon"
nous dit-on en substance. A l'écoute, il n'y a pas de
doute que Cadi Jo a fait ses classes, et il a le mérite
de s'être tourné vers l'écoute d'harmonicistes
d'avant-guerre plus obscurs et moins typés que ceux que
le gotha des harmonicistes émule habituellement : le
souffle des Jazz Gillum et autres Jaybird Coleman habite en
effet certains de ses phrasés, et sur "Wabash Rag"
ou "Blues Harp Strut" on sent qu'il puise à
cette source (trop) peu usitée. Les accompagnements sont
acoustiques et sympathiques, l'ambiance chaleureuse, bref, ces
morceaux blues de veine jazzy sont de bonne facture.
Là où le disque ne tient pas ses
promesses, c'est sur la partie proprement jazz de ses intentions.
Certes, le mélange sonore de l'harmonica diationique
amplifié et de la guitare manouche est plaisant, voire
plus, prometteur. Par contre, les accompagnateurs comme le soliste
ne sont pas sur ce répertoire à la hauteur de
leurs ambitions. La pompe est raide, elle manque de ce groove
particulier qui enchante l'oreille et agite le pied des auditeurs
assidus de Django et de ses héritiers. Quand à
l'harmo de Cadi Jo, s'il fait montre d'une certaine souplesse,
il souffre de son inexactitude : le manque de justesse qui fait
tout le charme du blues fait malheureusement souffrir le jazz,
et cela donne à l'ensemble une impression un peu brouillonne.
On est loin de la légèreté, de la vélocité
et de l'incroyable justesse du violon manouche auquel Cadi Jo
se compare pourtant favorablement.
Au final, on a entre les mains une expérimentation
intéressante, pleine de promesses sans doute, mais qui
n'est pas réalisée. C'est d'autant plus regrettable
que l'assurance excessive avec laquelle le projet est présenté
ne pousse pas l'auditeur à la clémence.
Benoît Felten |